JoniŠkio aruodasou la remontada de la coopération en Lituanie
Dans les trois pays baltes, après la période de doute post-communiste, la coopération reprend des couleurs, notamment en céréales, avec de belles performances. Témoignage de la coop lituanienne JoniŠkio aruodas.
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«Le mot coopérative n’a pas forcément bonne presse dans les anciennes républiques de l’ex-URSS, précise Jurita Zubauskiené, directrice de la coop JoniŠkio aruodas, en Lituanie. Pourtant en 2007, une dizaine d’agriculteurs se sont regroupés pour mieux vendre leurs céréales, estimant être « à la merci » des traders. Une démarche qui rappelle étrangement celle que vous avez vécue en France en 1936. »
Ils ont créé cette coop, l’une des toutes premières du pays dans une zone pourtant fortement concurrencée, puisqu’il y a quatre entreprises privées travaillant dans un rayon de 3 km. Des 10 000 ha apportés au départ, JoniŠkio aruodas en gère 20 000 aujourd’hui, avec un objectif de 30 000 dans cinq ans.
Les résultats sont distribués aux 91 adhérents à 75 %, les 25 % restants étant réservés aux investissements et aux actions sociales. « En 2018, nous avons redistribué 688 K€ avec 10 % fixe pour tous les adhérents et 90 % en fonction des volumes d’affaires. » La déontologie 1 homme = 1 voix est appliquée, mais la coopérative souhaite inciter ses agriculteurs adhérents à travailler avec elle. D’où un bonus important et différentiant sur les redistributions, qui sert de stimulation pour une plus grande fidélité. « Personne n’est obligé de travailler avec nous, même s’il a des parts. Cela permet une liberté dans un contexte très concurrentiel, sourit Jurita Zubauskiené. La coopérative a même créé une filiale négoce qui représente 20 % de son chiffre d’affaires consolidé. Des agriculteurs travaillent avec les deux entreprises sans problème pour nous. »
Intransigeant sur la qualité
Neringa Karcemarskas, responsable agronomique, a en charge de mettre en place la politique qualité : « Nous effectuons nos propres essais variétaux, ouverts à tous ». La stratégie a été de tirer vers le haut les rendements tout en préservant la teneur en protéines. Un pari réussi puisque la coop affiche, en 2018, des taux moyens de 13 % en protéines avec un rendement de 7,2 t/ha, à 80 de PS. Pour les blés, 30 % ont été supérieurs à 14,5 %, 50 % à 12,5 %, et le reste inférieur à ce chiffre. « Nous ne faisons aucune culture en bio, précise le responsable agronomique. Cela ne correspond pas à nos marchés. » La coopérative adhère parfaitement aux demandes environnementales de son gouvernement. « Nos itinéraires techniques utilisent des engrais et des produits de protection des plantes autorisés. Nous sommes des fervents défenseurs du glyphosate. Au nom d’une idéologie minoritaire, on ne va pas gâcher les efforts entrepris depuis la fin du communisme pour avoir une agriculture performante. »
70 % des blés exportés via la Baltique
Le principal débouché est l’export via la Baltique. Leur principal concurrent est la Russie, qui utilise l’oblast de Kaliningrad (l’enclave russe au sud-ouest de la Lituanie), où arrivent en masse des trains spéciaux de blé du nord du pays, pour exporter via la Baltique. Une véritable menace économique mais aussi politique, avec la crainte constante de revoir le grand voisin les envahir. Dans ce contexte, la démarche qualité est indispensable, car JoniŠkio aruodas exporte 70 % de sa collecte, comme la grande majorité des organismes stockeurs des pays baltes. Elle possède un embranchement ferroviaire qui amène les céréales aux ports de Klaipeda en Lituanie, Pavilosta en Lettonie, ou encore Talinn en Estonie.
Une volonté de diversification
La coopérative a fortement investi grâce à l’UE dans des silos neufs, avec une extension déjà validée, et avec accord de financement européen, sur 2 ha achetés récemment. Elle est toutefois vulnérable car elle ne développe que l’activité céréales. Le conseil d’administration sait que la compétition sera rude face aux Russes qui produisent à des coûts très bas, allant jusqu’à 75 €/t. « Nous avons une réflexion sur des diversifications à court terme. La période est très favorable pour nous, car nous sommes en fin de remboursement des investissements précédents. De nouvelles lignes de crédit UE pourraient ainsi être ouvertes. Le lin, culture traditionnelle du pays, qui est en train de disparaître, pourquoi ne pas la reprendre ? Un benchmark en France ou en Belgique nous paraît indispensable », précise le président de la coopérative Liutauras Cerniauskas. Deuxième axe, la vente de matériel agricole couplée à un service de rendu racine. « Il n’existe pas de Cuma dans notre pays car les agriculteurs sont méfiants. Ils préfèrent avoir leurs propres machines pour les utiliser quand ils veulent. Nous essayons de leur faire comprendre que c’est une erreur. »
Christophe Dequidt
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